EIFFEL : Nectar Hexagonal (+ Lux Interior) – Jeudi 22 novembre 2012 – Toulouse, Le Bikini –
Une soirée pour s’évader, pour oublier les tourments nauséabonds du monde extérieur et de celui que la musique au sens large peut parfois véhiculer. Une soirée sans divas capricieuses, sans manager imbuvable. Une soirée empreinte de la modestie du plus grand groupe de rock français, servie par une attitude humaine, profonde, respectueuse, exemplaire…Quel bonheur!
Nous voici donc à nouveau réunis entre Ahuris pour la vrai tournée Foule Monstre. Déjà conquis par un album fascinant et un premier concert in the Pink Town cinq mois plus tôt en guise de hors d’œuvre bien avant que la sublime galette ne soit livrée, inutile de masquer notre immense plaisir de retrouver EIFFEL dans ce joyau absolu qu’est Le Bikini.
Alors que les fidèles et autres nouveaux visages arrivent par grappes et sans se presser, c’est avec un immense plaisir que nous constatons que le balcon va finalement être ouvert à la foule, comme il y a deux ans! 700 locs, c’était peu mais les toulousains ne dérogent pas à leur réputation d’éternels retardataires. Un bon millier de personnes répondra finalement présent.
Comme d’hab, nous sommes depuis un certain temps au premier rang, quand, médusés, nous assistons aux premiers pas de la première partie la plus étonnante qu’il nous ait été donnée de voir depuis bien longtemps : LUX INTERIOR!
Comment qualifier ce qui déboule sous les yeux ébahis de l’assistance? Impossible en fait, inclassable, improbable mais stupéfiant. Un trio burlesque et déjanté aux allures d’un Buster Keaton rieur, d’une Katerine Ringer foldingue et fumeuse et d’un Didier Wampas survitaminé se la jouant rockstar de la loose.
D’abord sur la touche, la foule se prend au jeu au fil des minutes et constate que chaque expression, chaque mot, chaque note, la moindre attitude est millimétrée, captivante, cohérente telle la parfaite osmose entre théâtre, cirque et rock! Toutes les frontières s’effondrent devant ce style improbable, cette énergie salvatrice. J’aperçois Romain sur le côté de la scène; il n’en perd pas une miette. Nous sommes cueillis, catapultés dans un cirque psychédélique et jouissif. Le point d’orgue de ces trente minutes demeurant le stage diving suivi d’un slam mémorable du personnage féminin de ce trio d’un autre monde, de notre temps et d’un autre temps à la fois dont le dosage et l’alchimie de leur art remportera au final tous les vivas! In-cro-yable!
A peine remis des émotions suscitées par ces trente minutes, le public s’interroge sur ce qu’il vient de vivre en attendant Eiffel. 21h38, c’est le moment de communier. Sur une scène comme toujours dépouillée où quelques draperies furent dressées en guise de backdrop, Aucianne, Jimmy, Hugo, Sylvie et moi allons vivre notre énième grand messe Eiffelienne.
C’est avec un bonheur non dissimulé que nous accueillons Place de mon coeur, le single du dernier album en ouverture de set. Depuis quelques temps, Romain Humeau vampirise tous les regards, il semble de plus en plus à l’aise. Simple, ne se la jouant jamais rock star, il devient au fil des dates et des tournées des plus magnétiques.
Servi par un son absolument parfait, le groupe va nous proposer pas moins de neuf titres du nouvel album! Avec la moitié du concert consacrée à leur dernière création, il vaut mieux que la qualité soit au rendez-vous pour ne pas perdre les gens en chemin. Que nenni, les versions live proposées catapultent des chansons déjà magiques dans une sphère envoutante, enivrante. La richesse des arrangements, fouillés à l’extrême, couplés à quelques beats électro en guise d’intros ne nuiront jamais à la profondeur des structures. Les nappes et autres virgules électros, tour à tour soyeuses ou rageuses confèrent à des chansons déjà éclatantes de beauté une dimension surréaliste qui enivrent les âmes et chavirent les cœurs. A ce titre, le cinquième élément du groupe n’est pas étranger à l’affaire. Musicien additionnel, celui-ci s’avère précieux plus qu’ à son tour derrière de multiples instruments. Un petit plus déjà aperçu en mai qui émoustille nos ‘papilles auditives’.
Pas une chanson moyenne (seule Le cœur Australie , la moins ambitieuse, la moins originale mais toutefois délectable aurait pu être remplacée par une merveille de leur débuts, pourquoi pas Te Revoir ou Inverse Moi), pas un instant de flottement, les merveilles succèdent aux anciens et futurs classiques. Il y a tant d’explorations, de voluptés avec ce groupe que 4 sets lists sans le moindre titre commun nous feraient le même effet, cette sensation incroyable que nous pénétrons sans restriction dans la moindre note, dans cet univers servi tel un don du ciel par cet artiste exceptionnel. Quelques glandes lacrymales témoignent sans peine que les uns et les autres sont tour à tour cueillis dans leurs sentiments ou leur révoltes les plus enfouies.
Bien entendu Eiffel est un groupe et son créateur refuse de l ‘envisager autrement. Mais si Estelle fait le job sans soucis, si Nico Courret s’arrache et maitrise ses futs comme un subtil damné, si Nico Bonnière nous propose des sons de gratte improbables et hallucinants, le génie Romain Humeau demeure la pierre angulaire de l’entreprise. Il puise certes en ces comparses nombre d’inspirations et de directions mais, à l’image de ses textes (écoutez notamment Le Même Train, pur bijou de poésie sur l’issue du voyage pour chacun d’entre nous), Eiffel, c’est avant tout la merveille d’un artiste majeur, saisissant.
Ainsi l’humanité qui se dégage de ces textes souvent empreints de fatalité, se retrouve dans chaque geste, dans les attitudes de ces gens simples, dans l’humilité qui transparait sans cesse. La maitrise de chaque sonorité se juxtapose à sa libération et se sont des ondes de frissons, des vagues d’émotions qui déferlent de la scène aux personnes. Libre, Nous sommes du hasard, Chamade, Chanson Trouée, Sous ton aile ou Foule monstre nous laissent suspendus, quasi incrédules, comme portés par les mots et des sons à la magie contemplative. Poignant!
Autre tour de passe passe, plus participatif cette fois avec des titres rageurs, déchirés et souvent plus subversifs tels que l’imparable brulot Sombre ou le classique parmi les classiques Hype, toujours plus acide, ou chaque fois, le groupe nous embarque dans une nouvelle direction. Un peu plus tôt, la set list nous aura livré un somptueux Il pleut des cordes, titre éthéré s’il en est (qui est à l’origine de ma passion pour ce groupe) toujours aussi puissant, lourd, prenant, hypnotique. Évoquons enfin l’ovni Frères ennemis, surprenant par sa structure, son ambiance psychotique, sa faculté à vous propulser hors de vous.
Nouveauté du set et non des moindres, une hallucinante version de Chaos of myself en premier rappel : jouissivement interminable et symbole de l’interaction réussie entre un artiste et ceux qui reçoivent sa poésie, ses doutes, sa substance.
Finir comme souvent sur la merveilleuse poésie de Boris Vian Je voudrais pas crever que seuls Lavilliers et Humeau ont le don de magnifier à nuls autres pareils et donner cette empreinte fataliste teintée d’espoirs à cette ode aux merveilles de la vie, s’avère le parfait épilogue à cette soirée hors du temps et des modes.
Longtemps le groupe reste soudé, devant nous et savoure à son tour le partage avant de tirer sa révérence. Réalisent-ils à quel point notre esprit restera longtemps ensorcelé par cet univers à la fois onirique et réaliste peuplé d’arbres chevelus et qui nous donne envie de nous prendre la main pour rester, de concert, saoul de leur notes, des mots de Romain, d’extirper nos vanités et de ne plus jamais nous disperser…
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Chronique, photos, légendes, mise en page : Titi.
Photos : Jimmy.
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Nous remercions vivement Roxane Nicolas de Pias records et toute l’équipe du Bikini.
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LIEN :
EIFFEL WEBSITE – EIFFEL NEWS –
LES AUTRES CHRONIQUES D’EIFFEL ET DE ROMAIN HUMEAU SUR JATA :
SET LIST :
Place de mon coeur
Libre
Il pleut des cordes
Nous sommes du hasard
Milliardaire
Chamade
Frères ennemis
Le coeur Australie
Sombre
Dispersés
Le même train
A tout moment la rue
Sous ton aile
Chanson trouée
Rappel 1
Foule monstre
Chaos of myself
Rappel 2
Hype
Je voudrais pas crever
3 décembre 2012 à 18 h 58 min
Excellente chronique. Je viens d’acheter l’album sur itunes. Merci pour la découverte.
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3 décembre 2012 à 19 h 12 min
Merci de ton commentaire Gilles….Content de t’avoir fait découvrir ce groupe vraiment extraordinaire…. Si tous les albums sont excellents, précipite toi tout de même sur LA QUART D’ HEURE DES AHURIS… C’est à travers celui-ci que je fus scotché la première fois…
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3 décembre 2012 à 23 h 09 min
Merci, quel bonheur! Oui c’est vrai !
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5 décembre 2012 à 22 h 05 min
Excellente review ! Les gamins ont bien grandi aussi…
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21 décembre 2012 à 14 h 03 min
Comme toujours excellente analyse et ressenti de la soirée. En effet Romain et ses joyeux drilles nous on fait vivre une nouvelle page de leur univers que nous partageons de plus en plus dans la simplicité des personnages du groupe et leur présence sur scéne qui montre une maturité dans l’évolution du show ,encore bravo !
On en redemande………
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9 février 2013 à 18 h 04 min
Eiffel, que je ne connais pas encore, m’a l’air d’être, dans un genre rock engagé et engageant, un groupe à découvrir rapidement, merci!
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